Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 4, trad Mardrus, 1900.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
les mille nuits et une nuit

à Ben-Bekar ; et lorsque tout ce monde-là fut parti, il l’embrassa et lui raconta tout ce que lui avait dit la confidente et ajouta : « Tu peux être toujours sûr, ô mon frère, que je suis à ta dévotion absolue, et que mon âme t’appartient tout entière. Et je n’aurai de repos que lorsque je t’aurai rendu la tranquillité du cœur ! » Et Ben-Bekar fut tellement touché des bons procédés de son ami qu’il en pleura de tout son cœur et dit : « Je t’en prie, complète tes bontés en passant cette nuit avec moi, pour que je puisse m’entretenir avec toi et distraire ma pensée torturante ! » Et Ben-Bekar ne manqua pas d’acquiescer à son désir, et il resta près de lui à lui réciter des poèmes et à lui chanter des odes d’amour d’une voix atténuée, tout près de l’oreille. Et tantôt c’étaient des vers que le poète adressait à l’ami, et tantôt c’étaient des vers sur la bien-aimée. Or, voici d’abord, entre mille, les vers en l’honneur de la bien-aimée :

Elle perça du glaive de son regard la visière de mon casque, et pour toujours attacha mon âme à la souplesse de sa taille.

Toute blanche à mes yeux elle apparaît, avec le seul grain de musc qui orne le camphre de son menton !

Si, effrayée soudain, elle tremble, les cornalines de ses joues se muent en la pure pâleur des perles ou la matité du sucre candi !

Si, chagrinée, elle soupire en appuyant la main sur sa poitrine nue, ô mes yeux ! racontez le spectacle que vous voyez !

« Nous voyons, disent mes yeux, une nappe can-