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histoire de ben-bekar et de schamsennahar
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la fringale me tenait, une ocke de pistaches salées et de grains de courge, avec pas mal de pois chiches confits au sucre et encore tout chauds sortant du fourneau ! » Alors le khalifat s’écria : « Ô imprudente petite amie, en vérité tu m’étonnes ! Je ne doute point que ces choses ne soient infiniment délicieuses et appétissantes, mais encore faut-il te ménager un peu et empêcher ton âme de se jeter inconsidérément sur ce qu’elle aime ! Par Allah ! ne te remets plus dans de pareils états ! » Et le khalifat qui, d’ordinaire, est si peu prodigue de paroles et de caresses pour les autres femmes, continua à parler à sa favorite avec beaucoup de ménagements, et il la veilla de la sorte jusqu’au matin. Mais comme il voyait que son état ne s’améliorait pas beaucoup, il fit mander tous les médecins du palais et de la ville, qui, comme de raison, se gardèrent bien de deviner la vraie cause du mal dont souffrait ma maîtresse et dont l’aggravation n’était due qu’à la contrainte où la mettait la présence du khalifat. Ces savants lui prescrivirent une recette si compliquée que, malgré la meilleure volonté, ô Ben-Tâher, je ne saurais t’en répéter un seul mot.

« Enfin le khalifat, suivi de tous les médecins et des autres, finit par se retirer ; et je pus alors approcher librement de ma maîtresse ; et je lui couvris les mains de baisers et lui dis de telles paroles d’encouragement, en l’assurant que je prenais sur moi de lui faire de nouveau revoir le prince Ali ben-Bekar, qu’elle finit par se laisser soigner par moi. Et aussitôt je lui donnai à boire un verre d’eau fraîche, avec de l’eau de fleurs dedans, qui lui fit le plus grand bien.