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les mille nuits et une nuit

nous étions dans une désolation que tu ne saurais imaginer ; et aux questions que le khalifat nous posait anxieusement, pour savoir la cause de ce mal subit, nous ne répondions que par des pleurs et en nous jetant la face contre terre entre ses mains, mais nous nous gardions de lui révéler un secret qu’il ignorait. Et cet état d’inexprimable angoisse dura de la sorte jusqu’à minuit. Alors, à force de lui rafraîchir les tempes avec l’eau de roses et l’eau de fleurs et de lui faire de l’air avec nos éventails, nous eûmes enfin la joie de la voir revenir peu à peu de son évanouissement. Mais aussitôt elle se mit à répandre un torrent de larmes, à la stupéfaction absolue du khalifat, qui finit lui-même par pleurer également. Or, tout cela était triste et extraordinaire !

« Lorsque le khalifat vit qu’il pouvait enfin adresser la parole à sa favorite, il lui dit : « Schamsennahar, lumière de mes yeux, parle-moi, dis-moi la cause de ton mal pour que je puisse au moins t’être de quelque utilité ! Vois ! je souffre moi-même de mon inaction ! » Alors Schamsennahar fit effort pour embrasser les pieds du khalifat qui ne lui en laissa pas le temps ; il lui prit les mains et doucement continua à l’interroger. Alors, d’une voix brisée, elle lui dit : « Ô émir des Croyants, le mal dont je souffre est passager ! Il est causé par certaines choses que j’ai mangées dans la journée et qui ont dû se contrarier au dedans de moi ! » Et le khalifat lui demanda : « Qu’as-tu donc mangé, ô Schamsennahar ? » Elle répondit : « Deux citrons acides, six pommes aigres, une porcelaine de lait caillé, un gros morceau de kenafa avec, par là-dessus, tant