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les mille nuits et une nuit

se dépensa pour moi en paroles douces et pacifiantes. Mais elle n’osa pas bouger de sa place ni me porter à manger ou à boire par peur de mes accès de colère et d’impatience.

Pourtant, le lendemain, vers le soir, je me décidai à tenter l’aventure et, encouragé surtout par Aziza qui me donnait ainsi tant de preuves de son désintéressement et de l’abnégation absolue d’elle-même, alors qu’en secret elle pleurait toutes ses larmes, je me levai et pris mon bain et, aidé par. Aziza, je m’habillai de ma plus belle robe. Mais avant de me laisser sortir, Aziza me jeta un regard de désolation et, les larmes dans la voix, elle me dit : « Ô fils de mon oncle ! prends ce grain de musc pur et parfume t’en les lèvres. Puis, une fois que tu auras vu ton amoureuse et que tu en auras eu toute satisfaction à ton gré, promets-moi, de grâce, de lui réciter le vers que je vais te dire. » Et elle me jeta les bras autour du cou et sanglota longuement. Alors moi, je lui fis le serment de réciter à l’adolescente le vers en question. Et Aziza, tranquillisée, me récita ce vers et m’obligea à le répéter une fois avant de partir, bien que je n’en eusse pas compris l’intention ou la portée future :

« Ô vous tous, les amoureux ! par Allah ! dites-moi, si l’amour sans répit habitait le cœur de sa victime, où serait la délivrance ?… »

Puis je m’éloignai rapidement et j’arrivai au jardin en question, dont je trouvai la porte ouverte ; et, tout au fond, une lanterne était allumée, vers laquelle je me dirigeai dans les ténèbres.