Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 4, trad Mardrus, 1900.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de ben-bekar et de schamsennahar
271

dans ce palais avec seulement ton souvenir ! Toi, ô Ali, tu auras les souks pour te distraire et toutes les petites filles et les autres de la rue ; leurs grâces et leurs yeux allongés te feront oublier la désolée Schamsennahar, ton amante ; et le cliquetis de cristal de leurs bracelets dissipera peut-être jusqu’aux traces de mon image à tes yeux ! Ô Ali ! comment désormais pourrai-je résister aux éclats de ma douleur ou comprimer les cris dans ma gorge et les remplacer par les chants que me demandera le commandeur des Croyants ? Comment ma langue pourra-t-elle articuler les notes d’harmonie, et de quel sourire saurai-je l’accueillir lui-même, alors que toi seul peux me faire l’âme épanouie ? Ah ! de quels regards ne fixerai-je pas irrésistiblement la place que tu as occupée près de moi, ô Ali ! Et surtout comment, sans mourir, pourrai-je porter à mes lèvres la coupe partagée que me tendra l’émir des Croyants ? Sûrement, en la buvant, un poison sans pitié circulera dans mes veines ! Et alors, que la mort me sera légère, ô Ali ! »

À ce moment, comme Abalhassan ben-Tâher se disposait à les consoler en les exhortant à la patience, l’esclave confidente accourut prévenir sa maîtresse de l’approche du khalifat. Alors Schamsennahar, les yeux pleins de larmes, n’eut que le temps d’embrasser une dernière fois son amant et dit à la confidente : « Conduis-les au plus vite à la galerie qui donne sur le Tigre d’un côté et sur le jardin de l’autre ; et, quand la nuit sera bien noire, tu les en feras sortir adroitement du côté du fleuve ! » Et, ayant dit ces paroles, Schamsennahar comprima les sanglots qui