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les mille nuits et une nuit

d’une chair de pierreries ! Prends garde ! l’amour te guette et ses flèches sont prêtes ! »

Lorsque Ali ben-Bekar et Abalhassan ben-Tâher eurent entendu ce chant de Schamsennahar ils faillirent s’envoler d’extase ; puis ils se trémoussèrent de plaisir et poussèrent des « Allah ! » d’une profondeur inaccoutumée ; puis ils rirent et pleurèrent ; et le prince Ali, à la limite de l’émotion, saisit un luth et le donna à Abalhassan en le priant de l’accompagner dans ce qu’il allait chanter. Alors il ferma les yeux et, la tête penchée et appuyée sur la main, à mi-voix il chanta ce chant de son pays :

« Écoute, ô échanson !

Il est si beau l’objet que j’aime que si j’étais le maître de toutes les cités je lui en ferais don sur l’heure pour seulement une fois toucher de mes lèvres la goutte de beauté sur sa joue ennemie !

Son visage est si beau qu’en vérité le grain de beauté est lui-même de trop ! Car ce visage est déjà si beau de sa propre beauté que ni roses ni velours d’un jeune duvet n’y ajouteraient un charme nouveau ! »

Et cela fut dit par le prince Ali ben-Bekar d’une voix tout à fait admirable ! Or, juste au moment où s’éteignait ce chant, la jeune esclave favorite de Schamsennahar accourut tremblante et effarée et dit à Schamsennahar : « Ô ma maîtresse, Massrour et Afif et d’autres eunuques du palais sont à la porte et demandent à te parler ! »