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les mille nuits et une nuit

connaître ce que le monde possède de plus aimable parmi les créatures et ces instants incomparables où mon âme s’épuise par l’intensité de son bonheur ! Sois bien persuadé, ô Ben-Tâher, que Schamsennahar ne sera point une ingrate ! » Et Abalhassan s’inclina profondément devant la favorite en demandant pour elle à Allah l’accomplissement de tous les vœux que pouvait souhaiter son âme.

Alors Schamsennahar se tourna vers son ami Ali ben-Bekar et lui dit : « Ô mon maître, je ne doute plus de ton amitié, bien que la mienne dépasse en violence tous les sentiments que tu pourras éprouver pour moi. Mais, hélas ! quelle destinée est la mienne d’être attachée à ce palais et de ne pouvoir donner libre cours à ma tendresse ! » Et Ali ben-Bekar répondit : « Ô ma maîtresse, en vérité ton amour m’a tellement pénétré qu’il s’est combiné à mon âme et en a fait partie si complètement que, même après ma mort, mon âme le conservera essentiellement à elle uni ! Ah ! que nous sommes malheureux de ne pouvoir nous librement aimer ! » Et, ces paroles achevées, les larmes inondèrent comme une pluie les joues du prince Ali et, par sympathie, celles de Schamsennahar. Mais Abalhassan s’approcha d’eux discrètement et leur dit : « Par Allah ! je ne comprends rien à vos pleurs, alors que vous êtes ensemble ! Que serait-ce donc si vous étiez séparés ? Vraiment ce n’est point le moment de vous attrister, mais de vous épanouir, et de passer le temps dans l’agrément et la joie ! »

À ces paroles d’Abalhassan, dont elle avait appris à estimer les conseils, la belle Schamsennahar sécha ses larmes et fit signe à l’une de ses esclaves qui