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histoire de ben-bekar et de schamsennahar
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du côté opposé et vit, en effet, s’approcher douze jeunes négresses qui portaient sur leurs épaules un trône d’argent massif, recouvert d’un dais de velours, et où était assise une femme qu’on ne pouvait encore voir, voilée qu’elle était par un grand voile de soie légère qui flottait sur le devant du trône. Et ces négresses avaient les seins nus et les jambes nues ; et un foulard de soie et d’or, ajusté à la taille, faisait saillir les riches fesses des porteuses. Et lorsqu’elles furent arrivées au milieu des chanteuses elles déposèrent doucement le trône d’argent et reculèrent sous les arbres.

Alors une main écarta les draperies et des yeux brillèrent sur un visage de lune ; c’était Schamsennahar. Elle était vêtue d’un grand manteau en étoffe légère, bleu sur or, constellé de perles, de diamants et de rubis, non point en quantité prodigieuse, mais en petit nombre, — seulement le tout était d’un choix et d’un prix inestimables. Alors, les draperies écartées, Schamsennahar releva complètement son petit voile et regarda en souriant le prince Ali et inclina la tête légèrement. Et le prince Ali la regarda en soupirant et ils se parlèrent tous deux un langage muet, par lequel, en quelques instants, ils se dirent bien plus de choses qu’ils n’en auraient pu se dire en un long espace de temps.

Mais Schamsennahar put enfin détacher ses regards des yeux d’Ali ben-Bekar, pour ordonner à ses femmes de chanter. Alors l’une d’elles se hâta de mettre son luth d’accord et chanta :

« Ô destinée ! quand deux amants, l’un vers l’autre