Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 4, trad Mardrus, 1900.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
les mille nuits et une nuit

son corps perclus et ses ailes sans vertu ! Alors il devint un tel objet de pitié que ses anciens ennemis dédaignèrent même de lui rendre la mesure de ses tyrannies, et ne le traitèrent que par le mépris. Et il était obligé, pour se nourrir, de se contenter des restes de repas que laissaient les oiseaux et les animaux !


« Et toi, ô renard, si tu as perdu tes forces, je vois que tu n’as encore rien perdu de tes traîtrises ! Car tu veux, toi l’impuissant, t’allier avec moi qui, par l’effet de la bonté du Donateur, conserve encore intacte la vigueur de mon aile, l’acuité de ma vue et le poli de mon bec. Crois-moi, n’essaie pas de faire comme le moineau ! » Et le renard, tout à fait étonné, lui demanda : « De quel moineau parles-tu ? » Le corbeau dit : « Écoute !


« Il m’est parvenu qu’un moineau se trouvait dans un pré où paissait un troupeau de moutons ; et il s’occupait à fouiller la terre de son bec, en suivant les moutons, quand il vit soudain un aigle énorme fondre sur un petit agneau et l’emporter dans ses griffes et disparaître avec lui vers le loin. À cette vue, le moineau se regarda avec une extrême fierté et étendit ses ailes avec suffisance et se dit en lui-même : « Mais moi aussi je sais voler, et je puis même emporter un gros mouton ! » Et là-dessus, il choisit le mouton le plus gros qu’il pût trouver, celui qui avait une laine si fournie et si vieille que sous le ventre elle n’était plus, tant l’urine de la nuit l’imbibait, qu’une masse