son corps perclus et ses ailes sans vertu ! Alors il devint un tel objet de pitié que ses anciens ennemis dédaignèrent même de lui rendre la mesure de ses tyrannies, et ne le traitèrent que par le mépris. Et il était obligé, pour se nourrir, de se contenter des restes de repas que laissaient les oiseaux et les animaux !
« Et toi, ô renard, si tu as perdu tes forces, je vois
que tu n’as encore rien perdu de tes traîtrises ! Car tu
veux, toi l’impuissant, t’allier avec moi qui, par l’effet
de la bonté du Donateur, conserve encore intacte la
vigueur de mon aile, l’acuité de ma vue et le poli de
mon bec. Crois-moi, n’essaie pas de faire comme
le moineau ! » Et le renard, tout à fait étonné, lui
demanda : « De quel moineau parles-tu ? » Le corbeau
dit : « Écoute !
« Il m’est parvenu qu’un moineau se trouvait dans
un pré où paissait un troupeau de moutons ; et il s’occupait
à fouiller la terre de son bec, en suivant les
moutons, quand il vit soudain un aigle énorme fondre
sur un petit agneau et l’emporter dans ses griffes et
disparaître avec lui vers le loin. À cette vue, le moineau
se regarda avec une extrême fierté et étendit
ses ailes avec suffisance et se dit en lui-même : « Mais
moi aussi je sais voler, et je puis même emporter un
gros mouton ! » Et là-dessus, il choisit le mouton le
plus gros qu’il pût trouver, celui qui avait une laine
si fournie et si vieille que sous le ventre elle n’était
plus, tant l’urine de la nuit l’imbibait, qu’une masse