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les mille nuits et une nuit

quillité ; et tu seras ma compagne dans la bonne et mauvaise fortune ! Mais pour ce qui est du sang bu sur la cuisse de l’épouse, va ! ne t’en inquiète pas ! Et digère-le dans la paix de ton cœur avec délices ! car chacun trouve sa nourriture où il peut et il n’y a là rien de répréhensible, et si Allah nous a donné la vie, ce n’est point pour que nous nous laissions mourir de faim ou de soif ! Et d’ailleurs, voici à ce sujet les vers que j’ai entendus un jour réciter par un santon dans les rues :

« Je n’ai rien sur la terre qui me pèse ou qui m’attache ; je n’ai ni meubles, ni épouse revêche, ni maison ! Ô mon cœur, tu es léger !

Un morceau de pain, une gorgée d’eau et une pincée de gros sel suffisent à me nourrir, car je suis seul ! Une robe tout usée me sert de vêtement, et c’est déjà trop !

Le pain, je le prends où je le trouve, et la destinée comme elle vient ! On ne peut rien m’enlever ! Et ce que je prends aux autres, pour vivre, c’est leur surplus ! Mon cœur, tu es léger ! »

« Lorsque la puce eut entendu ce discours de la souris, elle fut extrêmement touchée et lui dit : « Ô souris, ma sœur, quelle vie délicieuse n’allons-nous pas désormais couler ensemble ! Qu’Allah hâte le moment où je pourrai reconnaître tes bontés ! »

« Or, ce moment ne tarda pas à arriver. En effet, le soir même, la souris, qui était allée rôder dans la chambre du marchand, entendit un tintement métallique et finit par voir le marchand compter un à un des dinars nombreux qui étaient dans un petit sac ;