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histoire des animaux… (le loup…)
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jongleur, se traînait péniblement sur le sol, et il aurait certainement été repris par le jongleur ou écrasé, quand un passant charitable se trouva qui l’aperçut, le crut malade et, par pitié, le ramassa et le réchauffa. Or, le premier soin qu’eut le serpent en recouvrant sa vivacité fut de chercher l’endroit le plus délicat du corps de son sauveur et d’y enfoncer sa dent chargée de venin. Et l’homme tomba aussitôt mort sur le sol ! — Et d’ailleurs le poète avait déjà dit :

« Méfie-toi, joueur ! Quand la vipère adoucit son attouchement et se love câlinement, recule ! Elle va se détendre et son venin est dans ta chair avec la mort !

« Et puis, ô loup, il y a également ce vers admirable qui s’applique si bien à mon cas :

« Quand un jeune garçon a été si gentil avec toi et que tu le brusques, ne t’étonne pas s’il te garde rancune au fond de son foie, et s’il t’estropie un jour quand son bras s’est fait poilu !

« Or, moi, ô maudit, pour commencer ton châtiment et te donner un avant-goût des douceurs qui t’attendent et des belles pierres lisses qui vont te caresser la tête, au fond du trou, et en attendant que j’aille arroser ta tombe sans parcimonie, voici ce que je t’offre ! Lève donc la tête et regarde ! »

Et, ayant dit ces paroles, le renard tourna le dos, s’appuya de ses deux jambes de derrière sur le rebord