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les mille nuits et une nuit

canards, le derrière suave des poules et la tête rouge des coqs ! »

Et là-dessus, il fut en quelques sauts sur le rebord de la fosse, le cœur battant. Et quel ne fut pas son plaisir de voir le loup geindre et pleurer de sa chute et se désespérer en se lamentant sur sa perte certaine. Alors le renard se mit aussi notoirement à pleurer et à gémir ; et le loup leva la tête et le vit ainsi pleurer et lui dit : « Ô compagnon renard, que tu es bon de pleurer ainsi avec moi ! Aussi je vois que j’ai été parfois dur à ton égard ; mais, de grâce ! laisse pour le moment les larmes de côté et cours avertir mon épouse et mes enfants du danger où je suis et de la mort qui me menace ! » Alors le renard lui dit : « Ah ! chenapan, alors tu es assez stupide pour croire que c’est sur toi que je verse ces larmes ? Détrompe-toi, ô maudit ! Si je pleure, c’est parce que tu as vécu jusqu’aujourd’hui en sécurité, c’est parce que je regrette amèrement que cette calamité ne t’ait pas atteint avant aujourd’hui ! Meurs donc, loup de malheur ! Que j’aille enfin pisser sur ta tombe, et danser avec tous les renards sur la terre qui t’enfouira ! »

À ces paroles, le loup se dit en lui-même : « Il ne s’agit plus maintenant de le menacer ; lui seul peut encore me tirer de là ! » Alors il lui dit : « Ô compagnon, il n’y a encore qu’un moment, tu me jurais fidélité et tu me donnais mille marques de ta soumission ! Pourquoi donc ce changement ? Il est vrai que je t’ai un peu brusqué ! mais ne me garde pas rancune, et rappelle-toi ce qu’a dit le poète :