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les mille nuits et une nuit

fut pas long à remarquer, sur son passage, un endroit louche qui avait tout l’air d’être un piège ; et il fit un grand détour pour l’éviter, en se disant : « Celui qui marche sans regarder les trous qui sont sous ses pas est appelé à y glisser ! D’ailleurs mon expérience de tous les pièges qu’Ibn-Adam me dresse depuis le temps, doit me mettre sur mes gardes. Ainsi, par exemple, si je voyais une sorte d’effigie de renard dans une vigne, au lieu de m’en approcher, je m’enfuirais à toutes jambes, car ce serait sûrement un appât placé là par la perfidie d’Ibn-Adam ! Or, maintenant je vois, au milieu de ce vignoble, un endroit qui ne m’a pas l’air de bon aloi ! Attention ! retournons voir ce que c’est, mais avec prudence, car la prudence est la moitié de la bravoure ! » Et, ayant ainsi raisonné, le renard se mit à avancer peu à peu, mais en reculant de temps en temps, et en reniflant à chaque pas ; et il rampait et dressait l’oreille, puis avançait pour reculer ; et il finit par arriver de la sorte, sans encombre, jusqu’à la limite même de cet endroit si louche. Et bien lui en prit, car il put voir que c’était une fosse profonde recouverte à sa surface de légers branchages saupoudrés de terre. À cette vue, il s’écria : « Louange à Allah qui m’a doué de l’admirable vertu de la prudence et de bons yeux clairvoyants ! » Puis, à la pensée de voir bientôt le loup y donner tête baissée, il se mit à danser dans sa joie comme s’il était déjà grisé de tous les raisins de la vigne, et il entonna ce chant :

« Loup ! féroce loup ! ta fosse est creusée, et la terre toute prête à la combler.