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histroire des animaux et des oiseaux (la tortue)
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Car, en vérité, que serait la vie sans les amis et sans les causeries avec les amis et sans le rire et le chant avec les amis ? Le sage est celui qui sait trouver des amis conformes à son tempérament, et l’on ne peut tenir pour amis les êtres qu’on est obligé de fréquenter du fait de son métier, comme moi je fréquentais les oiseaux-pêcheurs de mon espèce, qui me jalousaient et m’enviaient pour mes pêches et mes trouvailles ! Aussi comme maintenant ils doivent être heureux de mon éloignement, ces camarades mesquins, stupides et qui ne savent parler que de leurs pêches et causer que de leurs petits intérêts, mais qui jamais ne pensent à élever leurs âmes vers le Donateur ! Ils ont ainsi toujours le bec tourné vers la terre. Et s’ils ont des ailes, c’est pour ne point s’en servir ! Aussi la plupart d’entre eux ne pourraient même plus voler, s’ils le voulaient : ils ne peuvent que plonger, et souvent ils restent au fond de l’eau ! »

À ces paroles, la tortue, qui écoutait en silence, s’écria : « Ô pêcheur, descends que je t’embrasse ! » Et l’oiseau-pêcheur descendit de l’arbre, et la tortue l’embrassa entre les deux yeux et lui dit : « En vérité, ô mon frère, tu n’es pas fait pour vivre en commun avec les oiseaux de ta race, qui sont tout à fait dénués de finesse et n’ont rien d’exquis dans les manières. Reste donc avec moi, et la vie nous sera légère sur ce coin de terre perdu au milieu de l’eau, à l’ombre de cet arbre et au bruit que font les flots ! » Mais l’oiseau-pêcheur lui dit : « Que je te remercie, ô tortue, ma sœur ! mais, et les enfants ? et l’épouse ? » Elle répondit : « Allah est grand et misé-