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les mille nuits et une nuit

pêcheur, que tu aies déserté la berge où d’ordinaire je te rencontrais ? » Il répondit :

« Si sous la tente même qui t’abrite, et dans le pays même qui t’appartient, vient habiter un visage désagréable,

Un seul parti te reste à prendre : laisse-lui ta tente et ton pays et hâte-toi de décamper !

« Et moi, ô bonne tortue, j’ai vu ma berge prête à être envahie par les loups de l’air, et pour ne pas être affecté par leur visage désagréable, j’ai préféré tout quitter et m’en aller, jusqu’à ce qu’Allah veuille bien compatir à mon sort ! »

Lorsque la tortue eut entendu ces paroles, elle dit à l’oiseau-pêcheur : « Du moment que cela est ainsi, me voici entre tes mains prête à te servir de tout mon dévouement, et à te tenir compagnie dans ton abandon et ton dénuement, car je sais combien l’étranger est malheureux loin de son pays et des siens et combien il lui est doux de trouver une chaleur d’affection et de la sollicitude chez les inconnus. Or, moi qui ne te connais que de vue seulement, je serai pour toi une compagne attentive et cordiale ! »

Alors l’oiseau-pêcheur lui dit : « Ô tortue pleine de cœur, ô dure à la surface et si douce au dedans ! je sens que je vais pleurer d’émotion devant la spontanéité de ton offre ! Comme je te remercie ! Et combien tu as raison dans tes paroles sur l’hospitalité à accorder aux étrangers et sur l’amitié à accorder aux personnes dans l’infortune, pourvu que ces personnes ne soient pas dénuées d’intérêt !