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histroire des animaux et des oiseaux (la tortue)
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viteurs ! » Et il se disposa à fondre sur le corps et à en enlever des lambeaux pour les apporter à ses petits et les manger avec eux. Mais il vit bientôt au-dessus de lui le ciel s’obscurcir d’un nuage de grands oiseaux de proie, tels que vautours et éperviers, qui se mirent à tournoyer par grands cercles se rapprochant de plus en plus.

À cette vue, l’oiseau-pêcheur fut saisi de la crainte d’être dévoré lui-même par ces loups de l’air et se hâta de déguerpir à tire-d’aile vers le loin. Et au bout de plusieurs heures il s’arrêta sur la cime d’un arbre qui se trouvait au milieu du fleuve, tout à fait vers son embouchure, et attendit là que le courant eût entraîné jusqu’à cet endroit le corps flottant. Et, tout triste, il se mit à songer aux vicissitudes du sort et à son inconstance ; et il se disait : « Voici que je suis obligé de m’éloigner de mon pays et de la berge qui m’a vu naître et où sont mes enfants et mon épouse. Ah ! que ce monde est vain ! Et combien plus vain celui qui se laisse tromper par ses dehors et qui, confiant dans la chance, vit au jour le jour sans se soucier du lendemain ! Si j’avais été plus sage, j’eusse amassé des provisions pour les jours de disette comme celui-ci ; et les loups de l’air eussent pu venir me disputer mon gain, sans me donner trop d’inquiétude ! Mais le sage nous conseille la patience dans l’épreuve. Patientons ! »

Or, pendant qu’il réfléchissait de la sorte, il vit s’avancer vers l’arbre où il était perché, sortant de l’eau et nageant lentement, une tortue. Et cette tortue leva la tête et l’aperçut sur l’arbre et aussitôt lui souhaita la paix et lui dit : « Comment se fait-il, ô