LA CENT QUARANTE-HUITIÈME NUIT
Schahrazade dit :
CONTE DE LA TORTUE ET DE L’OISEAU-PÊCHEUR
Dans un de mes livres anciens il est raconté, ô Roi
fortuné, qu’un oiseau-pêcheur se tenait un jour sur
la berge d’un fleuve et observait attentivement, le
cou tendu, le fil de l’eau. Car tel était le métier qui
lui permettait de gagner sa vie et de nourrir ses enfants,
et il l’exerçait sans paresse, en s’acquittant
fort honnêtement des charges de son état.
Or, pendant qu’il surveillait de la sorte le moindre remous et la plus légère ondulation, il vit passer devant lui, et s’arrêter contre la roche où il était en observation, un grand corps mort de race humaine. Alors il l’examina et remarqua des blessures considérables sur toutes ses parties, et des traces de coups de sabre et de coups de lance ; et il pensa en son âme : « Ce doit être quelque brigand à qui l’on a fait expier ses méfaits ! » Puis il leva ses ailes et bénit le Rétributeur, disant : « Béni soit Celui qui fait servir les méchants après leur mort au bien-être de ses bons ser-