Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 4, trad Mardrus, 1900.djvu/220

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
les mille nuits et une nuit


LE BERGER ET L’ADOLESCENTE


On raconte qu’il y avait, dans une montagne d’entre les montagnes des pays musulmans, un berger doué d’une grande sagesse et d’une foi ardente ; et ce berger menait une vie paisible et retirée, se contentant de son sort et vivant du produit, en lait et en laine, de son troupeau. Et ce berger avait en lui tant de douceur et sur lui tant de bénédictions que les bêtes sauvages n’attaquaient jamais son troupeau, et le respectaient lui-même tellement que lorsqu’elles le voyaient de loin elles le saluaient de leurs cris et de leurs hurlements. Et ce berger continua à vivre ainsi un long temps, ne se souciant guère, pour son plus grand bonheur et sa tranquillité, de ce qui se passait dans les villes de l’univers.

Or, un jour, Allah Très-Haut voulut éprouver le degré de sa sagesse et la valeur réelle de ses vertus, et ne trouva guère d’autre tentation plus forte, pour l’éprouver, que de lui envoyer la beauté de la femme. Il chargea donc l’un de ses anges de se déguiser en femme et de ne rien épargner des artifices de cette créature pour faire fauter le saint berger.

Aussi, un jour que le berger, malade depuis un certain temps, était étendu dans sa grotte et glorifiait en son âme le Créateur, il vit soudain entrer chez lui, souriante et fine, une adolescente aux yeux noirs