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les mille nuits et une nuit

pour moi ressort de ces gestes, surtout des cinq doigts et du miroir, est que la jeune fille t’enverra un message dans cinq jours chez le teinturier du coin de la ruelle. » Alors moi je m’écriai : « Ô fille de mon cœur, puissent tes paroles être vraies ! D’ailleurs, j’ai remarqué qu’au coin de la ruelle, il y a, en effet, la boutique d’un teinturier juif. » Puis ne pouvant plus résister à la houle de mes souvenirs, je me mis à sangloter dans le sein de ma cousine Aziza qui ne ménagea point, pour me consoler, les paroles de douceur et les caresses de tout charme ; et elle me disait : « Songe, ô Aziz, que d’ordinaire les amoureux souffrent des années et des années dans l’attente, et s’arment de fermeté tout de même ; et toi, il y a à peine une semaine que tu connais les tortures du cœur, et te voici dans une émotion et une tristesse sans exemple ! Prends courage, ô fils de mon oncle ! Et lève-toi et mange un peu de ces mets et bois de ce vin que je t’offre. »

Mais moi, ô mon jeune seigneur, je ne pus réussir à avaler ni une bouchée ni une gorgée ; et je perdis même tout sommeil ; et je devins jaune de teint et changé de traits. Car c’était la première fois que je sentais la chaleur de la passion, et que je goûtais à l’amour amer et délectable.

Aussi pendant les cinq jours que dura mon attente, je maigris à l’extrême, et ma cousine, affligée à cause de moi, ne me quitta pas un seul instant et passa jours et nuits assise à mon chevet à me raconter, pour me distraire, les histoires des amoureux ; et, au lieu de dormir, elle veillait sur moi ; et je la surprenais quelquefois essuyant à la hâte des