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les mille nuits et une nuit

vous tenir compagnie et de jouir avec vous des bienfaits du Créateur ! » Et tous les trois lui répondirent : « Sur nos têtes et sur nos yeux, ô chevreuil plein de savoir-vivre ! tu trouveras ici aisance, famille et facilité ! » Et tous se mirent à manger, à boire et à respirer ensemble le bon air, pendant un long espace de temps. Mais ils ne négligèrent jamais de faire leurs prières matin et soir ; excepté l’oie qui, assurée désormais de la paix, oubliait ses devoirs envers le Distributeur de la sécurité !

Or, elle paya bientôt de la vie cette ingratitude envers Allah !

En effet, un matin, un navire désemparé fut jeté à la côte ; et les hommes abordèrent dans l’île et, ayant aperçu le groupe formé par le paon, son épouse, l’oie et le chevreuil, s’en approchèrent vivement. Alors les deux paons s’envolèrent au loin sur la cime des arbres, le chevreuil s’élança et en quelques bonds fut hors de portée, et seule l’oie resta embrouillée de sa personne et essaya de courir de tous côtés ; mais on eut bientôt fait de la cerner et de la capturer pour la manger comme premier repas dans l’île.

Quant au paon et à son épouse, avant de quitter l’île pour regagner leur forêt natale, ils vinrent en cachette se rendre compte du sort de l’oie et la virent au moment où on l’égorgeait. Alors ils cherchèrent un peu partout leur ami le chevreuil et, après les salams et les félicitations mutuelles pour le danger auquel ils venaient d’échapper, ils mirent le chevreuil au courant de l’infortune finale de la pauvre oie. Et tous trois pleurèrent beaucoup à son souvenir et la