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histroire des animaux et des oiseaux (l’oie, le paon)
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l’oie dit : « J’ai bien peur, bien peur ! » La paonne reprit : « Il ne faut pas, vraiment ! En voulant à tout prix échapper au sort qui t’a été écrit, tu tentes la destinée ! Or, elle est la plus forte ! Et ce qui est écrit sur notre front doit courir ! Et toute échéance doit être payée ! Si donc notre terme a été fixé, nulle force ne saurait l’annuler ! Mais ce qui doit surtout te tranquilliser et te consoler, c’est la conviction que toute âme ne peut mourir avant d’avoir épuisé les biens qui lui sont dus par le Juste Rétributeur ! »

Or, pendant qu’ils s’entretenaient de la sorte, les branches autour d’eux craquèrent et un bruit de pas se fit entendre qui troubla tellement la tremblante oie qu’elle étendit éperdument ses ailes et se jeta à la mer en criant : « Garde à vous ! garde à vous ! bien que toute destinée doive s’accomplir ! »

Mais ce n’était qu’une fausse alerte, car, entre les branches écartées, apparut la tête d’un joli chevreuil aux yeux humides. Et la paonne cria à l’oie : « Ma sœur, ne t’effraie donc pas ainsi ! Reviens vite ! Nous avons un hôte nouveau ! c’est un gentil chevreuil, de la race des animaux, comme tu es de la race des oiseaux ; et il ne mange guère de viande saignante, mais de l’herbe et des plantes de la terre ! Viens ! et ne te mets plus dans un pareil état, car rien n’exténue le corps et n’épuise l’âme autant que l’appréhension et les soucis ! »

Alors l’oie revint en mouvant ses hanches ; et le chevreuil, après les salams d’usage, leur dit : « C’est la première fois que je viens de ce côté ; et je n’ai jamais vu terre plus fertile ni plantes et herbes plus fraîches et plus tentantes ! Permettez-moi donc de