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les mille nuits et une nuit

le seigneur léopard qui m’a envoyé chercher par un animal de ses émissaires, pour lui construire une cabane solide où s’abriter et se défendre contre les assauts d’Ibn-Adam, depuis que le bruit s’est répandu de l’arrivée prochaine d’Ibn-Adam dans ces parages ! Et c’est pour cela que tu me vois porteur de ces planches de bois et de ces ustensiles ! »

« Lorsque le jeune lion eut entendu ces paroles, il fut très jaloux du léopard, et dit au menuisier : « Par ma vie ! ce serait une audace extrême de la part du vizir de mon père que de prétendre à faire exécuter ses commandes avant les nôtres ! Tu vas sur l’heure t’arrêter ici, et commencer par me construire, à moi d’abord, cette cabane ! Quant au seigneur vizir, il peut attendre ! » Mais le menuisier fit mine de s’en aller et dit au jeune lion : « Ô fils du sultan, je te promets de revenir sitôt fini le travail commandé par le léopard ; car j’ai bien peur de sa colère ! Et je te bâtirai alors non point une cabane, mais un palais ! » Mais le lion ne voulut rien entendre, et entra même en colère, et se jeta sur le menuisier, pour lui faire peur seulement, et, en manière de plaisanterie, il lui appliqua la patte sur la poitrine. Et, rien que de cette simple caresse, le petit homme perdit l’équilibre, et roula à terre avec ses planches et ses ustensiles. Et le lion éclata de rire en voyant la terreur et la mine déconfite du misérable bonhomme. Et celui-ci, bien qu’intérieurement mortifié à l’extrême, n’en fit rien voir, et même se mit à sourire d’un sourire flagorneur, et lâchement se mit à l’œuvre. Or, c’était là le but qu’il souhaitait et pour lequel il était venu !

« Il prit donc soigneusement la mesure du lion