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les mille nuits et une nuit

le chameau répondit, tandis que des frissons lui agitaient par nappes toute la peau : « Permets ! ô fils du sultan, je préfère encore m’en aller, car le poète a dit :

« Si sous la tente même qui t’abrite, et dans le pays même qui t’appartient, vient habiter un visage désagréable,

Un seul parti te reste à prendre : laisse-lui ta tente et ton pays et hâte-toi de décamper ! »

« Et, ayant récité cette strophe si juste, le bon chameau baisa la terre entre les mains du lion et se releva ; et bientôt nous le vîmes tanguer vers le loin.

« Or, à peine avait-il disparu que soudain, sortant de je ne sais où, un petit vieux, à l’aspect d’homme chétif, l’air rusé, la peau ratatinée, apparut, portant sur les épaules un panier où se trouvaient des ustensiles de menuisier, et sur la tête huit grandes planches de bois.

« À sa vue, ô mes maîtres, je n’eus pas la force seulement de jeter un cri ou d’avertir mon jeune ami, et je tombai paralysée sur le sol. Quant au jeune lion, très amusé par l’aspect de ce petit être drôle, il s’avança vers lui pour l’examiner de plus près ; et le menuisier s’aplatit à terre devant lui et lui dit en souriant et d’une voix très humble : « Ô roi puissant et plein de gloire, ô toi qui occupes le plus haut rang dans la création, je te souhaite le bonsoir et demande à Allah de te hausser encore dans le respect de l’univers et d’augmenter tes forces et tes vertus ! Or,