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les mille nuits et une nuit

« Alors le jeune lion fut très affecté de ce qu’il venait d’entendre et demanda au cheval : « Je vois qu’il me faut absolument débarrasser la création de cet être de malheur que vous appelez tous Ibn-Adam. Dis-moi donc, ô cheval, où et quand as-tu aperçu Ibn-Adam ? » Le cheval dit : « Je l’ai quitté vers midi. Et il est maintenant à ma poursuite, courant de ce côté ! »

« Or, à peine le cheval venait-il d’achever ces paroles qu’une poussière s’éleva qui lui donna une telle terreur que, sans prendre le temps de s’excuser, il nous quitta au grand galop. Et nous vîmes du côté de la poussière apparaître et s’avancer vers nous à grandes enjambées, effaré et le cou tendu et mugissant éperdument, un chameau.

« À l’aspect de ce grand animal, démesurément colossal, le lion fut persuadé que ce devait être Ibn-Adam et, sans me consulter, il s’élança sur lui et allait bondir et l’étrangler quand je lui criai de toute ma voix : « Ô fils du sultan, arrête ! ce n’est point un Ibn-Adam, mais un brave chameau, le plus inoffensif des animaux ! Et sûrement il fuit l’approche d’Ibn-Adam ! » Alors le jeune lion s’arrêta à temps et, tout interloqué, demanda au chameau : « Vraiment, toi aussi, ô prodigieux animal, tu as peur de cet être-là ? Que fais-tu donc de tes énormes pieds si tu ne peux lui en écraser la face ? » Et le chameau haussa lentement la tête et, les yeux perdus comme dans un cauchemar, répondit tristement : « Ô fils du sultan, regarde mes narines ! Elles sont encore trouées et fendues de l’anneau en crin qu’Ibn-Adam m’y avait passé pour me dompter et me diri-