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histroire des animaux et des oiseaux (l’oie)
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Et alors je me ferai un plaisir de réintégrer cette pauvre oie dans sa maison au milieu de sa famille ! »

« Lorsque le cheval eut entendu ces paroles de mon ami, il le regarda avec un sourire triste et lui dit : « Rejette loin de toi de telles pensées, ô fils du sultan, et ne t’illusionne pas de la sorte sur ma force et ma taille et ma vitesse, car tout cela est vain devant l’astuce d’Ibn-Adam. Et sache bien que lorsque je suis entre ses mains, il trouve le moyen de me dompter à sa guise. À cet effet, il me met aux pieds des entraves de chanvre et de crin, et m’attache par la tête à un poteau planté plus haut que moi dans le mur ; et de la sorte je ne puis ni bouger, ni m’asseoir ni me coucher. Mais ce n’est pas tout ! Lorsqu’il veut me monter, il me met sur le dos quelque chose qu’il appelle une selle, et me comprime le ventre avec deux larges sangles fort dures qui me meurtrissent ; dans la bouche il me met un morceau d’acier qu’il tire au moyen de courroies pour me diriger où il lui plaît ; et, une fois sur mon dos, il me pique et me perfore les flancs avec les pointes de ce qu’il appelle les étriers, et me met ainsi tout le corps en sang ! mais ce n’est pas fini ! Lorsque je suis vieux, et que mon dos n’est plus assez souple ni assez résistant et que mes muscles ne peuvent me lancer aussi vite qu’il le voudrait, il me vend à quelque meunier qui me fait tourner nuit et jour la meule du moulin jusqu’à ma complète décrépitude. Alors il me vend à l’équarisseur qui m’égorge et m’écorche et vend ma peau aux tanneurs et mes crins aux fabricants de cribles, de tamis et de blutoirs ! Et tel est mon sort avec Ibn-Adam ! »