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les mille nuits et une nuit

« Alors moi je sursautai dans mon sommeil et, sans regarder derrière moi, épouvantée, je m’enfuis en allongeant le col et déployant mes ailes. Et je me mis ainsi à vagabonder de-ci et de-là jusqu’à ce que j’eusse senti mes forces m’abandonner ; alors, comme j’étais arrivée au bas d’une montagne, je m’arrêtai un instant derrière un rocher, et mon cœur battait de peur et de fatigue, et ma poitrine était resserrée de toute l’appréhension que m’inspirait Ibn-Adam ! Et, avec tout cela, je n’avais ni mangé ni bu, et la faim me torturait et la soif autant ! Et je ne savais plus comment faire et je n’osais plus bouger, quand je vis en face de moi, à l’entrée d’une caverne, un jeune lion roux, au regard bon et doux, qui m’inspira aussitôt confiance et sympathie. Et de son côté le jeune lion m’avait déjà remarquée ; et il montrait tous les signes d’une grande joie, tant j’avais en moi de timidité et tant mon aspect l’avait séduit. Aussi il m’appela en me disant : « Ô gentille petite, approche, viens causer un peu avec moi. » Et moi je fus très sensible à son invitation, et je m’avançai vers lui très modestement ; et il me dit : « Comment t’appelles-tu ? Et de quelle race es-tu ? » Je lui répondis : « Je m’appelle Oie ! Et je suis de la race des oiseaux ! » Il me dit : « Je te vois tremblante et terrifiée, et j’en ignore la cause ! » Alors je lui racontai ce que j’avais vu et entendu en rêve. Et quel ne fut pas mon étonnement quand il me répondit : « Mais moi aussi j’ai eu un songe semblable et je l’ai raconté à mon père le lion qui m’a aussitôt mis en garde contre Ibn-Adam et m’a dit de me méfier extrêmement de ses ruses et perfidies ! Mais jusqu’à présent je n’ai guère