Ibn-Adam et l’histoire qui a dû t’arriver certainement ! » Et l’oie raconta :
« Sache, ô paon plein de gloire, et toi paonne douce
et hospitalière, que j’habite cette île depuis mon enfance,
et y ai toujours vécu sans désagrément ni soucis,
et sans rien qui pût me troubler l’âme ou m’offusquer
la vue. Mais, l’avant-dernière nuit, comme
j’étais endormie, la tête sous mon aile, je vis m’apparaître
en songe un Ibn-Adam qui voulut lier conversation
avec moi ; et j’allais répondre à ses avances,
quand j’entendis une voix qui me criait : « Prends
garde, ô oie, prends garde ! Méfie-toi d’Ibn-Adam et de
la douceur de son langage et de la perfidie de ses manières !
Et n’oublie pas ce qu’a dit le poète à son sujet :
« Il te fait goûter une douceur qu’il a sur le bout de la langue ; mais c’est pour te surprendre à l’improviste, comme le renard, en tapinois ! »
« Car sache bien, pauvre oie, qu’Ibn-Adam a atteint dans la rouerie un tel degré qu’il sait, quand il veut, attirer à lui les habitants du sein des eaux et les monstres les plus farouches de la mer ; il peut du haut des airs faire dégringoler comme une masse les aigles qui planent tranquilles, rien qu’en leur lançant une balle fabriquée avec la boue desséchée ; il est enfin si perfide que, tout faible qu’il est, il peut vaincre l’éléphant et s’en servir comme domestique ou lui arracher les défenses pour s’en faire des ustensiles. Ah ! oie, fuis ! fuis ! »