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les mille nuits et une nuit

« Lorsque le jeune homme eut entendu ces vers désolés de sa sœur, ses yeux se remplirent de larmes, et il se pencha vers la jeune fille et souleva légèrement le voile qui lui cachait le visage et l’embrassa entre les yeux ; et cela me permit de voir pour la première fois les traits de la jeune fille : elle était exactement aussi belle que le soleil qui apparaît soudain sortant d’un nuage ! Puis le jeune homme tint un instant la tête du cheval du côté de la jeune fille et récita ces vers :

« Arrête-toi, ô sœur, et regarde les prodiges que mon bras accomplira.

Si pour toi, ô ma sœur, je ne combats pas, pourquoi donc mes armes et mon cheval ?

Et si pour te défendre je ne lutte pas, pourquoi donc la vie ?

Et si je recule quand il s’agit de ta beauté, n’est-ce point un signe pour les oiseaux de proie de se jeter sur un corps sans âme désormais ?

Quant à celui-là, qui se dit redoutable et nous vante la fermeté de son courage, je vais, sous tes yeux, lui faire sentir un coup qui le perforera du cœur au talon ! »

« Puis il se tourna vers moi et me cria :

« Et toi qui souhaites la jouissance après ma mort, à tes dépens va s’accomplir un exploit qui remplira les livres à venir !

Car, moi qui construis ces vers au rythme guerrier, je suis celui qui enlèvera ton âme avant que tu puisses seulement t’en douter ! »