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histoire du roi omar al néman…
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près de mon cheval, je me sentis l’âme haletante sous le poids des incantations maléfiques des sorcières, mes ennemies. Et ce fut pour moi une nuit terrible d’entre toutes les nuits ; car tantôt j’aboyais comme un chacal et tantôt je rugissais comme un lion et tantôt je me plaignais sourdement, en bavant, comme un chameau ! Quelle nuit ! Et avec quels tremblements n’attendais-je pas sa fin et l’apparition du matin ! Enfin le ciel s’éclaira et mon âme se calma ; et alors, pour chasser les dernières fumées de ces rêves obsédants, je me levai vivement, et je ceignis mon épée et saisis ma lance et sautai sur mon coursier que je lançai au galop, plus rapide que la gazelle.

« Or, pendant que je galopais de la sorte, je vis soudain, droit devant moi, une autruche qui me regardait. Et elle était plantée juste en face de moi et semblait pourtant ne me voir pas. Et moi j’allais être sur elle. Mais, au moment précis où j’allais la toucher de ma lance, elle rua terriblement, tourna le dos, étendit toutes larges ses grandes ailes touffues et fila comme un trait dans le désert. Alors moi je la poursuivis sans arrêt et continuai de la sorte jusqu’à ce qu’elle m’eût entraîné dans une solitude pleine d’effroi où il n’y avait que la présence d’Allah et des pierres nues, et où l’on n’entendait que les sifflements des vipères, les appels retentissants des génies de l’air et de la terre et les hurlements des goules en quête de proies ! Et l’autruche disparut comme dans un trou invisible à mes yeux ou dans quelque espace que voir je ne pouvais pas ! Et je frissonnai dans toute ma chair ; et mon cheval se cabra et recula en soufflant !