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histoire du roi omar al néma … (kanmakan)
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À ces paroles, Kanmakân lui dit : « Ô frère du désert, j’appartiens, moi aussi, à une lignée où la noblesse et la bonté sont coutumes. Or, je suis prêt, même si le cheval ne devait pas me revenir, à te rendre le service demandé ! » Et il s’approcha de l’Arabe pour le soulever ; mais l’Arabe poussa un grand soupir et dit : « Attends encore un peu ! Peut-être que mon âme va sortir sur l’heure ! Je vais témoigner de ma foi ! » Alors il ferma les yeux à demi, étendit la main, en tournant la paume vers le ciel, et dit :

« Je témoigne qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah. Et je témoigne que notre seigneur Mohammad est l’Envoyé d’Allah ! »

Puis, s’étant ainsi préparé à la mort, il entonna ce chant, qui fut ses dernières paroles :

« J’ai parcouru le monde au galop de mon cheval, semant sur ma route la terreur et le carnage. Torrents et montagnes, je les ai franchis pour le vol, le meurtre et la débauche.

Je meurs comme j’ai vécu, errant le long des routes, blessé par ceux-là mêmes que j’ai vaincus ! Et le fruit de mes peines, je l’abandonne, sur le bord d’un torrent, si loin du ciel natal !

Et pourtant sache, ô toi, étranger qui hérites du seul trésor du Bédouin, que mon regret avec mon âme s’envolerait si j’étais sûr que Kâtoul, mon coursier, ait en toi un cavalier digne de sa beauté ! »

Et à peine l’Arabe eut-il fini ce chant qu’il ouvrit convulsivement la bouche, poussa un râle profond et ferma les yeux pour toujours.