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les mille nuits et une nuit

que tu vois là dans sa beauté est la cause qui m’a mis dans cet état. Ce cheval était la propriété du roi Aphridonios lui-même, maître de Constantinia ; et sa réputation nous était connue à tous, nous les Arabes du désert. Or, un cheval de cette sorte ne doit pas rester dans les écuries d’un roi mécréant ; et, pour l’enlever au milieu des gardes qui le soignaient et le veillaient jour et nuit, je fus désigné par ceux de ma tribu. Et je partis aussitôt et j’arrivai de nuit sous la tente où était gardé le cheval, et je liai connaissance avec ses gardiens ; puis je profitai du moment où ils me demandaient mon avis sur ses perfections et me priaient de l’essayer, pour l’enfourcher d’un bond et, d’un coup de fouet, l’enlever au galop. Alors les gardes, leur surprise passée, me poursuivirent sur leurs chevaux en me lançant des flèches et des javelots, dont plusieurs, comme tu le vois, m’ont atteint dans le dos. Mais le cheval m’emportait toujours plus rapide que l’étoile filante, et il finit par me mettre totalement hors de leur portée. Et voici trois jours que je suis sur son dos, sans arrêt ! Mais mon sang s’est écoulé, et mes forces se sont en allées ; et je sens la mort me fermer les paupières !

« Aussi, puisque tu m’as secouru, le cheval, à ma mort, doit te revenir. Il est connu sous le nom d’El-Kâtoul El-Majnoun, et c’est le plus beau spécimen de la race d’El-Ajouz !

« Mais auparavant, ô jeune homme dont les habits sont si pauvres et le visage si noble, rends-moi le service de me prendre derrière toi sur le cheval et de me transporter au milieu de ma tribu, pour que je meure sous la tente où je suis né ! »