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les mille nuits et une nuit

À ce chant admirable qui montait ainsi dans la nuit, Kanmakân se leva, transporté, et essaya de percer les ténèbres du côté d’où lui arrivait la voix ; mais il ne put distinguer d’autres formes que les troncs vagues des arbres au-dessus de la rivière qui coulait au fond de la vallée. Alors il marcha un peu dans la même direction et descendit ainsi jusque sur les bords mêmes de la rivière. Et la voix devint plus distincte et plus émue en chantant ce poème dans la nuit :

« Entre elle et moi il y a des serments d’amour. Et c’est pourquoi j’ai pu la laisser dans la tribu !

Ma tribu dans le désert est la plus riche en chevaux parfaits et en filles aux yeux noirs. C’est la tribu de Taïm.

Brise ! ton souffle m’arrive de chez les Bani-Taïm ! Elle pacifie mon foie et m’enivre à l’extrême.

Dis-moi, esclave Saâd, celle dont la cheville est cerclée du grelot sonore se souvient-elle parfois de nos serments d’amour, et que dit-elle ?

Ah ! pulpe de mon cœur, un scorpion t’a piquée. Viens, amie ! Je guérirai, de l’antidote de tes lèvres, en humant leur salive et ta fraîcheur ! »

Lorsque Kanmakân eut entendu pour la seconde fois ce chant de l’invisible, il essaya encore de voir dans les ténèbres ; mais comme il ne put y réussir, il monta sur le sommet d’un rocher et, de toute sa voix, il clama…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement.