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histoire du roi omar… (kanmakân)
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marcher tout le long du jour, et ne se reposa qu’à la nuit noire. Et le lendemain et les jours suivants il continua à voyager, en se nourrissant des plantes qu’il ramassait et en buvant l’eau des sources et des ruisseaux. Et au bout de quatre jours il arriva dans une vallée couverte de forêts, et où couraient des eaux vives et où chantaient les oiseaux et les ramiers. Alors il s’arrêta, fit ses ablutions selon le rite, puis sa prière ; et, ayant ainsi accompli les devoirs prescrits, comme la nuit venait, il s’étendit sous un grand arbre et s’endormit. Et il resta ainsi endormi jusqu’à minuit. Alors, au milieu du silence de la vallée, une voix fusa, sortant des rochers d’alentour, qui le réveilla. Elle chantait :

« Vie de l’homme ! que vaudrais-tu sans l’éclair du sourire sur les lèvres de l’aimée, sans le baume de son visage tranquille ?

Ô mort ! tu serais désirable si mes jours devaient s’écouler toujours loin de l’amie que ne sauraient me faire oublier ni les menaces ni l’exil !

Ô joie des amis réunis sur la prairie à boire les vins exquis des mains de l’échanson ! ô leur joie si les brûle la passion quand ils prennent la coupe des mains de l’échanson.

Printemps ! tes fleurs, aux côtés de la bien-aimée, me guérissent l’âme des duretés passées du sort aveugle ! Ô printemps, tes fleurs sur la prairie…

Et toi, ami, qui bois la liqueur rousse et parfumée, regarde ! sous ta main s’étend une terre joyeuse de ses eaux, de ses couleurs et de sa fécondité ! »