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histoire du roi omar… (kanmakân)
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toute son âme se bouleverser à cette nouvelle et s’écria : « Je ne vivrai point un moment de plus dans un palais où je devrais seul commander ! Et je ne souffrirai plus désormais que les pierres de la maison abritent mes humiliations ! Puis sur-le-champ il se dévêtit de ses habits, se couvrit la tête d’un bonnet de saâlouk, jeta sur ses épaules un vieux manteau de nomade et, sans prendre le temps de faire ses adieux à sa mère et à sa tante, il se dirigea en toute hâte vers les portes de la ville, n’ayant dans son sac, pour toute provision de route, qu’un seul pain, vieux de trois jours. Et lorsque les portes de la ville furent ouvertes, il fut le premier à les franchir ; et il s’éloigna à grands pas en se récitant ces strophes en guise d’adieu à tout ce qu’il venait de quitter :

« Je ne te crains plus, ô mon cœur ; tu peux battre et te rompre même dans ma poitrine, mes yeux ne sauront plus s’attendrir, et en mon âme la pitié ne saura trouver de place.

Cœur alourdi par l’amour, ma volonté, malgré toi, ne fléchira pas et n’acceptera plus d’humiliation, mon corps dût-il fondre en entier de ma sévérité.

Excuse-moi ! à prendre pitié de toi, mon cœur, que deviendrait mon énergie ? Celui qui se laisse détourner par les yeux ardents n’a point ensuite à se plaindre de tomber blessé à mort.

Je veux parcourir par bonds sauvages la terre sans bornes, la bonne terre large et maternelle à qui vagabonde, pour sauver mon âme unique de tout ce qui pourrait abolir sa vigueur !