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les mille nuits et une nuit

Mais il faut savoir que, depuis déjà un certain temps, le grand-chambellan, tuteur de Kanmakân, malgré toutes les remontrances de son épouse Nôzhatou, et tous les bienfaits dont il était redevable au père de Kanmakân, avait fini par s’emparer complètement du pouvoir et s’était même fait proclamer successeur de Daoul’makân par une partie du peuple et de l’armée. Quant à l’autre partie du peuple et de l’armée, elle était restée fidèle au nom et au descendant d’Omar Al-Némân, et était dirigée dans son devoir par le vieux vizir Dandân. Mais le vizir Dandân, devant les menaces du grand-chambellan, avait fini par s’éloigner de Baghdad, et s’était retiré dans une ville du voisinage, attendant que la destinée se tournât du côté de l’orphelin frustré de ses droits.

Aussi le grand-chambellan, n’ayant plus rien à craindre de personne, avait forcé Kanmakân et sa mère à s’enfermer dans leurs appartements, et avait même défendu à sa fille Force-du-Destin d’avoir désormais des relations avec le fils de Daoul’makân. Et de la sorte la mère et le fils vivaient dans la retraite, attendant qu’Allah voulût bien rendre son droit à qui de droit.

Mais tout de même, malgré la surveillance du grand-chambellan, Kanmakân pouvait des fois voir sa cousine Force-du-Destin, et lui parler, mais en cachette seulement. Or, un jour qu’il ne pouvait la voir, et que l’amour lui torturait le cœur plus que de coutume, il prit une feuille de papier et écrivit à son amie ces vers passionnés :