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les mille nuits et une nuit

En effet, pour ce qui est du jeune Kanmakân et de sa cousine Force-du-Destin, ya Allah ! qu’ils étaient devenus beaux ! En grandissant, l’harmonie de leurs traits se fit plus exquise, et leurs perfections germèrent dans leur plénitude ; et on ne pouvait, en vérité, les comparer qu’à deux rameaux chargés de leurs fruits ou à deux lunes de splendeur. Et, pour parler de chacun d’eux en particulier, il faut dire que Force-du-Destin avait en elle tout ce qu’il fallait pour rendre fou : dans sa royale solitude, loin de tous les regards, la blancheur de son teint s’était faite sublime, sa taille était devenue mince, juste comme il fallait, et aussi droite que la lettre aleph ; ses hanches, absolument adorables dans leur massive lourdeur ; quant au goût de sa salive, ô lait ! ô vins ! ô douceurs ! qu’êtes-vous ? Et pour dire un mot de ses lèvres, de la couleur des grenades, vous, délices des fruits mûrs, parlez ! Mais quant à ses joues, ses joues ! les roses elles-mêmes avaient reconnu leur suprématie. Aussi qu’elles sont vraies ces paroles du poète à son égard :

Enivre-toi, mon cœur ! Dansez de joie dans vos orbites, ô mes yeux ! La voici ! Elle fait les délices de Celui même qui l’a créée !

Ses paupières défient le kohl de les rendre plus brunes. Aïe ! aïe ! je sens leurs regards me transpercer le cœur aussi sûrement que si c’était le glaive de l’émir des Croyants.

Ah ! ah ! quand je goûte ses lèvres ! Ô jus qui coules des raisins mûrs avant qu’on ne les presse ! Et toi, sirop qui filtres sous le pressoir de ses perles !…