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les mille nuits et une nuit

de dépit et ses narines s’enflèrent et ses grosses lèvres se contractèrent et tout son être trépida ; et il récita ses strophes :

« Ô femme ! ne me repousse point ainsi, victime de ton amour, massacré par tes regards triomphants ! Mon cœur déjà est morcelé de l’espérer ! Et mon corps entièrement épuisé avec ce qui restait en moi de patience.

Ta voix, seulement à l’entendre, m’ensorcelle et me captive. Et tandis que je suis tué par le désir, je m’aperçois que ma raison s’est envolée.

Mais je t’avise, ô implacable, que, couvrirais-tu même la terre de tes gardes et défenseurs, je saurais atteindre le but de mes désirs et boire l’eau dont je suis privé, l’eau naturelle qui me désaltérerait ! »

En entendant ces vers, Abriza se mit à pleurer de colère et s’écria : « Indécent esclave, ô nègre adultérin, penses-tu donc que toutes les femmes se ressemblent et oses-tu encore continuer à me parler de la sorte ? » Alors le nègre Morose, voyant qu’Abriza le repoussait absolument, ne put plus se contenir de fureur ; et il s’élança sur elle, l’épée à la main ; et il la saisit par les cheveux et lui passa son arme à travers le corps. Et ce fut de la main de ce nègre que mourut, de la sorte, la reine Abriza.

Alors le nègre Morose se hâta de s’emparer des mulets chargés des richesses et des biens d’Abriza, et, les poussant devant lui, s’enfuit à toute vitesse dans les montagnes.

Quant à la reine Abriza, elle avait, en expirant, accouché d’un fils entre les mains de la fidèle Grain--