Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 3, trad Mardrus, 1900.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
les mille nuits et une nuit

son chagrin furent tels, qu’elle ordonna à Grain-de-Corail de refuser à toute personne l’entrée de son appartement, et lui recommanda de dire au roi Omar Al-Némân, quand il viendrait demander de ses nouvelles : « Ma maîtresse est malade et ne peut recevoir personne. »

Aussi lorsque le roi Omar Al-Némân eut appris la chose, il se mit à envoyer chaque jour à Abriza des esclaves chargés de grands plateaux remplis de mets de toutes sortes et de boissons, et des coupes pleines de fruits et de confitures, et aussi des bols de porcelaine remplis de crèmes et de douceurs. Mais elle continua à rester enfermée dans son appartement jusqu’à ce qu’un jour elle se fût aperçue que son ventre grossissait, que sa taille devenait épaisse, et qu’elle était certainement enceinte. Alors son chagrin augmenta considérablement et le monde se rétrécit devant son visage ; et elle ne voulut point écouter les paroles consolatrices de Grain-de-Corail ; puis elle lui dit : « Ô Grain-de-Corail, c’est moi seule qui me suis mise dans cet état, en me comportant mal vis-à-vis de moi-même, en quittant mon père et ma mère et mon royaume ! Et voici que maintenant je suis dégoûtée de moi-même et de la vie, et mon courage s’est évanoui et ma force en allée ! Avec ma virginité, j’ai perdu toute ma fermeté, et ma grossesse me rend incapable de résister au choc d’un enfant. Et je ne pourrais même plus tenir les rênes de mon coursier, moi Abriza, la jeune Abriza, jadis pleine de flamme et de vigueur ! Que faire désormais ? Si j’accouche dans ce palais, je serai un objet de risée pour toutes les musulmanes qui l’habitent