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les mille nuits et une nuit

s’emparera des soldats du vaincu, et sera le maître reconnu ! »

Mais déjà Scharkân, le cœur chargé de courroux, avait lancé son coursier contre le chrétien, semblable au lion en fureur. Et ils se heurtèrent l’un contre l’autre d’un heurt héroïque, et les coups crépitèrent ; et l’on aurait cru voir s’entrechoquer deux montagnes ou se mêler bruyamment deux mers soudain se rencontrant. Et ils ne cessèrent de combattre depuis le matin jusqu’à la nuit noire. Et alors ils se séparèrent et chacun retourna au milieu des siens.

Alors Scharkân dit à ses compagnons : « De ma vie je n’ai rencontré pareil combattant ! Mais ce que j’ai trouvé en lui de plus surprenant, c’est l’habitude qu’il a, chaque fois que son adversaire est à découvert, de ne le point blesser, mais seulement de le toucher légèrement, à l’endroit découvert, du pommeau de sa lance ; et je ne comprends plus rien à toute cette aventure. Mais il serait à souhaiter qu’il y eût beaucoup de nos guerriers doués d’une pareille intrépidité ! »

Et le lendemain on recommença une lutte identique, mais sans plus de résultat. Mais le troisième jour, voici ce qui arriva. Au milieu du combat, soudain le beau jeune homme chrétien lança son cheval au galop, et l’arrêta brusquement, et tira maladroitement sur les rênes ; alors le cheval se cabra, et le jeune homme se laissa désarçonner et tomba à terre, comme naturellement. Alors Scharkân sauta à bas de son cheval et, l’épée haute, se précipita sur son adversaire et voulut le transpercer. Et le beau chrétien s’écria : « Est-ce ainsi que se comportent les