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les mille nuits et une nuit

musulmans, et livrez-vous à discrétion en nous remettant vos armes et vos chevaux, sinon par Mariam et Youhanna ! vos âmes ne tarderont pas à s’envoler de vos corps ! »

À ces paroles, Scharkân vit le monde noircir à ses yeux, et ses yeux lancèrent des éclairs de colère et ses joues s’enflammèrent, et il s’écria : « Ô chiens de chrétiens, comment osez-vous nous menacer, après avoir déjà eu l’audace de franchir nos frontières et de fouler notre sol ! Et non seulement cela, mais encore vous venez de nous adresser de telles paroles ! Et pensez-vous, maintenant, pouvoir vous échapper intacts d’entre nos mains et revoir votre pays ? » Il dit ! et cria à ses guerriers : « Croyants, sus à ces chiens ! » Et, le premier, Scharkân fonça sur l’ennemi. Alors les cent cavaliers de Scharkân, au grand galop de leurs chevaux, fondirent sur les cent cavaliers afrangi, et les deux masses d’hommes se mêlèrent avec des cœurs plus durs que la roche ; et les aciers se heurtèrent aux aciers, et les épées aux épées, et les coups se mirent à pleuvoir en crépitant, et les corps s’enlacèrent aux corps, et les chevaux se cabrèrent et retombèrent pesamment sur les chevaux, et l’on n’entendit plus d’autre bruit que le cliquetis des armes et le choc tumultueux des métaux contre les métaux. Et le combat dura de la sorte jusqu’à l’approche de la nuit et des ténèbres de la nuit. Alors seulement les deux partis se séparèrent, et l’on put se compter. Et Scharkân, parmi ses hommes, n’en trouva pas un seul qui fût atteint de blessure grave. Alors il dit :

« Ô compagnons, vous savez que toute ma vie