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les mille nuits et une nuit

l’amertume de la séparation. Le soleil lui-même pâlit quand il doit quitter la terre. »

Mais à peine ce chant venait-il de cesser, que tous deux entendirent au dehors un tumulte énorme et des cris ; et ils regardèrent, et virent s’avancer une grande troupe de guerriers chrétiens armés de glaives nus et qui criaient : « Te voilà tombé entre nos mains, ô Scharkân. Et voici ton jour de perdition ! » Lorsque Scharkân entendit ces paroles, il pensa d’abord à une trahison, et ses soupçons se portèrent sur la jeune femme ; et comme il se tournait de son côté pour lui en faire le reproche, il la vit, toute pâle, s’élancer au dehors, et, parvenue en face des guerriers, leur dire : « Que voulez-vous ? » Alors leur chef s’avança et lui dit, après avoir baisé la terre entre ses mains : « Ô reine pleine de gloire, ô notre maîtresse Abriza, la perle la plus noble d’entre les perles des eaux, ignores-tu donc la présence de celui qui est dans ce monastère ? » Alors la reine Abriza leur dit : « Et de qui parlez-vous ? » Ils dirent : « Nous parlons de celui que l’on appelle le maître des héros, le destructeur des cités, le terrible Scharkân ibn-Omar Al-Némân, celui qui n’a pas laissé une tour sans la détruire, ni une forteresse sans l’abattre. Or, ô reine Abriza, le roi Hardobios, ton père et notre maître, a appris à Kaïssaria, sa ville, par la bouche même de la vieille Mère-des-Calamités, que le prince Scharkân était ici. Car Mère-des-Calamités a dit au roi avoir vu Scharkân, dans la forêt, se diriger vers le monastère. Aussi, ô notre reine, quel mérite est le tien d’avoir pris le lion dans tes filets et d’être ainsi la cause de