échecs et commença le jeu. Et Scharkân, chaque fois que c’était son tour, au lieu de faire attention à son jeu, la regardait au visage, et il jouait tout de travers, mettant le cheval à la place de l’éléphant et l’éléphant à la place du cheval. Alors elle se mit à rire et lui dit : « Par le Messie ! que ton jeu est savant ! » Il répondit : « Oh ! mais c’est la première partie. D’ordinaire ça ne compte pas ! » Et l’on rangea le jeu de nouveau. Mais elle le vainquit une seconde fois, et une troisième, quatrième, et cinquième fois. Puis elle lui dit : « Voici qu’en toutes choses tu es vaincu ! » Il répondit : « Ô ma souveraine, il sied d’être le vaincu d’une partenaire telle que toi ! » Alors elle fit tendre la nappe et l’on mangea et l’on se lava les mains ; puis on ne manqua pas de boire de toutes les boissons. Alors elle prit une harpe ; et, comme elle était fort habile sur la harpe, elle préluda par quelques notes lentes et déliées et chanta ces strophes :
« On n’échappe point à sa destinée, qu’elle soit cachée ou apparente, qu’elle ait le visage serein ou allongé. Oublie donc tout, ami, et
Bois à la beauté, si tu le peux, et à la vie. Je suis la beauté vivante que nul fils de la terre ne saurait regarder avec indifférence ! »
Elle se tut ; et seule la harpe résonna sous les fins doigts de cristal. Et Scharkân, ravi, se sentait perdu dans des désirs infinis. Alors, sur un prélude nouveau elle dit encore :
« Une amitié peu sincère pourrait seule supporter