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les mille nuits et une nuit

furent projetées en l’air et découvrirent dans toute leur horreur risible les détails poilus de sa peau ridée. Alors la vieille lança deux terribles pets dont l’un souleva un nuage de poussière et dont l’autre monta en colonne fumante vers le ciel. Et la lune en haut éclairait toute la scène !

Alors Scharkân se mit à rire considérablement et en silence, et tellement qu’il tomba à la renverse. Mais il se releva et se dit : « Vraiment cette vieille mérite bien ce nom de Mère-des-Calamités ! C’est, je le vois, une chrétienne, comme, d’ailleurs, la jeune victorieuse et les dix autres femmes également. » Puis il s’approcha un peu plus de l’endroit de la lutte, et vit la jeune lutteuse jeter un grand voile de soie fine sur la nudité de la vieille et l’aider à remettre ses habits et lui dire : « Ô ma maîtresse, excuse-moi, car, si j’ai lutté avec toi, c’était pour déférer à ta demande ; mais tout ce qui s’en est suivi n’est pas de ma faute ; et si tu es tombée, c’est que tu m’as glissé des mains. Mais, grâce à Allah, tu n’as aucun mal. » Mais la vieille ne répondit rien, et, pleine de confusion, s’éloigna rapidement et disparut dans le monastère. Et sur la pelouse il n’y avait plus que le groupe des dix jeunes filles entourant leur jeune maîtresse.

Et Scharkân dit en son âme : « Quelle que soit la destinée, elle sert toujours à quelque chose ! Il était écrit que je devais m’endormir sur mon cheval et me réveiller ici-même, et cela pour ma bonne chance. Car j’espère bien que cette désirable lutteuse aux muscles parfaits et ses dix non moins enivrantes compagnes vont servir de pâture au feu de mon