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histoire du roi omar al-néman…
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Hélas, ô Scharkân ! comment eussé-je pu supposer voir mon bonheur ensemble avec toi sous le linceul du brancard, sur les épaules des porteurs !

Où es-tu, astre de Scharkân dont la clarté faisait confuses dans la poussière toutes les étoiles des cieux ?

L’abîme infini de la tombe qui te recèle, ô joyau, est lui-même illuminé de la clarté que tu lui apportes, au sein de notre mère finale, mon frère !

Et le linceul lui-même qui te recouvre, les plis du linceul, à ton contact prirent vie et s’étendirent et, comme des ailes, te protégèrent ! »

Lorsque Daoul’makân eut fini de réciter ces vers, il fondit en larmes et, avec lui, toute l’armée poussa de grands soupirs. Alors s’avança le vizir Dandân et se jeta sur le tombeau de Scharkân et l’embrassa et, la voix étranglée par les larmes, il récita ces vers du poète :

« Ô sage ! tu viens d’échanger les choses périssables pour celles immortelles. En cela tu suivis l’exemple de tous tes prédécesseurs dans la mort.

Et tu as pris ton essor, sans hésiter, vers les hauteurs, là où les blancheurs étales des roses font des tapis parfumés sous les pieds des houris. Puisses-tu t’y délecter de toutes choses nouvelles !

Et veuille le Maître du Trône illuminé te réserver la place la meilleure de son paradis, et mettre à portée de tes lèvres les joies réservées aux justes de la terre ! »

Et c’est ainsi qu’on fit la clôture du deuil de Scharkân.