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les mille nuits et une nuit

« Chasse de ton esprit ces soupçons désobligeants qui prouvent bien que tu n’as pas vu, comme moi, ce saint ascète relever dans la mêlée le courage des musulmans et affronter sans crainte les glaives et les lances. Tâche donc de ne plus médire de ce saint, car la médisance est blâmée, et l’attaque dirigée contre l’homme de bien est condamnée. Et sache bien que si Allah ne l’aimait pas, il ne lui aurait pas donné cette force et cette endurance, et ne l’aurait pas sauvé autrefois des tortures du souterrain. »

Puis, ayant dit ces paroles, Scharkân fit donner comme monture au saint ascète une belle mule vigoureuse harnachée somptueusement et lui dit : « Monte cette mule et cesse d’aller à pied, ô notre père, ô le plus saint d’entre les ascètes ! » Mais la perfide vieille s’écria : « Comment pourrais-je prendre du repos alors que les corps des Croyants gisent sans sépulture sous les murs de Constantinia ! » Et elle ne voulut point monter la mule, et se mêla aux guerriers, et se mit à marcher et à circuler parmi les piétons et les cavaliers comme le renard en quête d’une proie. Et, tout en circulant, elle ne cessait de réciter à voix haute les versets du Koran et de prier le Clément, jusqu’à ce qu’enfin on vît accourir en désordre les débris de l’armée commandée par le grand-chambellan.

Alors Daoul’makân fit approcher le grand-chambellan et lui demanda de raconter les détails du désastre éprouvé. Et le grand-chambellan, le visage défait et l’âme torturée, lui raconta tout ce qui était arrivé.

Or, tout cela avait été combiné par la maudite Mère--