Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 3, trad Mardrus, 1900.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
les mille nuits et une nuit

moines, dont le nom est Dechianos, lui ordonna d’ouvrir la porte du souterrain et d’en retirer mes os pour les jeter, en disant : « Ce musulman doit, à l’heure qu’il est, être une carcasse si dénudée que les oiseaux de proie ne la voudront même pas approcher ! » Alors Matrouna et les jeunes moines ouvrirent la porte des ténèbres et me trouvèrent à genoux dans l’attitude de la prière. À cette vue, le moine Matrouna s’écria : « Ah ! le maudit sorcier ! Cassons-lui les os ! » Et ils me tombèrent tous dessus à grands coups de bâton et de fouet, et tellement que je crus trépasser. Et je compris alors qu’Allah me faisait subir ces épreuves pour me punir de ma vanité passée : je m’étais enflé d’orgueil en voyant que je marchais sur la mer, alors que je n’étais qu’un instrument entre les mains du Très-Haut.

« Donc, lorsque le moine Matrouna et les autres jeunes fils de chiens m’eurent mis dans cet état pitoyable, ils m’enchaînèrent et me rejetèrent dans le souterrain des ténèbres. Et j’y serais certainement mort d’inanition si Allah n’avait voulu toucher le cœur de la jeune Tamacil qui, chaque jour, me visita en secret pour me donner un pain d’orge et une cruche d’eau, tout le temps que resta le chef des moines au monastère. Or, le chef des moines resta longtemps dans ce monastère, où il se plaisait fort, et il finit même par le choisir pour sa résidence habituelle ; et lorsqu’il était obligé de le quitter, il y laissait la jeune Tamacil sous la garde du moine Matrouna.

« Je demeurai de la sorte enfermé dans le souterrain durant cinq ans : et, de son côté, la jeune fille