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les mille nuits et une nuit

perfide refusa encore en disant : « Ce n’est point le temps de manger, mais de prier le Très-Haut ! » Et aussitôt elle se mit dans l’attitude de la prière au milieu du mihrab. Et elle resta ainsi à prier toute la nuit, sans prendre de repos, et aussi les deux nuits suivantes. Alors les deux frères furent pris pour elle d’une grande vénération, la croyant toujours un homme, un saint ascète ; et ils lui donnèrent une grande tente pour elle seule et des serviteurs spéciaux et des cuisiniers ; et à la fin du troisième jour, comme elle persistait à ne prendre aucune nourriture, les deux frères vinrent eux-mêmes la servir et lui firent porter dans sa tente tout ce que l’œil et l’âme peuvent souhaiter de choses agréables. Mais elle ne voulut toucher à rien et ne mangea qu’un morceau de pain et un peu de sel. Aussi le respect des deux frères ne fit qu’augmenter, et Scharkân dit à Daoul’makân : « En vérité, cet homme a absolument renoncé à toutes les jouissances de ce monde ! Et n’était cette guerre qui m’oblige à combattre les mécréants, je me consacrerais entièrement à sa dévotion, et je le suivrais toute ma vie pour avoir sur moi ses bénédictions ! Mais allons le prier de nous entretenir un peu, car demain nous devons marcher sur Constantinia, et nous n’aurons pas meilleure occasion de profiter de ses paroles. » Alors le grand-vizir Dandân dit : « Moi aussi, je voudrais bien voir ce saint ascète et le prier de faire des vœux pour moi, afin que je puisse trouver la mort dans la guerre sainte et aller me présenter devant le Souverain Maître : car j’en ai assez, de cette vie. »