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les mille nuits et une nuit

fit se tourner toutes les têtes dans cette direction. Et apparut Scharkân en personne, fils du roi Omar Al-Némân, et il arrivait droit sur ces impies, semblable au lion en courroux, et monté sur un cheval tel la plus légère des gazelles. Et il tenait à la main sa lance, farouchement, et déclamait ces vers :

« À moi appartient un alezan aussi léger que le nuage qui passe dans l’air. Il me contente !

À moi appartient une lance indianisée, au fer coupant. Je la brandis ! Et ses éclairs ondulent comme les vagues ! »

Mais l’abruti Lucas, qui était un barbare sans culture, des pays obscurs, ne comprenait pas un mot d’arabe, et ne pouvait goûter la beauté de ces vers et l’ordonnance de ces rythmes. Aussi se contenta-t-il de toucher son front, qui était tatoué d’une croix, et de porter ensuite sa main à ses lèvres par respect pour ce signe étrange.

Et soudain, plus hideux qu’un porc, il poussa son cheval sur Scharkân. Puis il s’arrêta brusquement dans son galop et lança très haut dans l’air l’arme qu’il tenait à la main, et si haut qu’elle disparut aux regards. Mais bientôt elle retomba. Et, avant qu’elle n’eût touché terre, le maudit, tel un sorcier, la rattrapa au vol. Et alors, de toute sa force, il lança son javelot à trois fers sur Scharkân. Et le javelot partit rapide comme la foudre. Et c’en était fait de Scharkân !

Mais Scharkân, au moment même où le javelot