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les mille nuits et une nuit

sans falsification aucune. Aussi son odeur était-elle terriblement forte et aurait tué un éléphant des armées musulmanes ; mais les porcs grecs y étaient accoutumés.

Alors la vieille Mère-des-Calamités se leva et dit : « Ô roi, avant de livrer bataille à ces mécréants, il faut, pour assurer notre victoire, nous débarrasser du prince Scharkân qui est le Cheitân en personne et qui commande toute l’armée. Car c’est lui qui anime tous ses soldats et leur donne le courage. Mais, lui mort, son armée est notre proie ! Envoyons-lui donc le guerrier le plus valeureux de nos guerriers pour le défier à un combat singulier et le tuer. »

Lorsque le roi Aphridonios eut entendu ces paroles, il fit venir aussitôt le fameux guerrier Lucas, fils de Camlutos, et, de sa propre main, il le fumigea avec l’encens fécal. Puis il prit un peu de cette fiente et l’humecta de salive et lui en oignit les gencives, les narines et les deux joues, et lui en fit priser un peu et, avec le restant, il lui frotta les sourcils et les moustaches.

Or, ce maudit Lucas était le guerrier le plus effrayant de tous les pays des Roum ; et nul parmi les chrétiens ne savait comme lui lancer le javelot, ou frapper du glaive ou percer de la lance. Mais son aspect était aussi repoussant que sa valeur était grande. Il était extrêmement hideux de visage, car son visage était celui d’un âne de mauvaise qualité ; mais, considéré attentivement, il ressemblait à un singe ; et, observé avec beaucoup de soin, il était tel un effroyable crapaud ou un serpent d’entre les