Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 3, trad Mardrus, 1900.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
les mille nuits et une nuit

aux musulmans, de tous les côtés à la fois. Mais la vieille Mère-des-Calamités qui écoutait, les sourcils froncés, se leva et dit au roi Aphridonios et au roi Hardobios et à tous les assistants :

« Ô guerriers, les batailles des corps, quand les âmes ne sont pas sanctifiées, ne sauraient avoir que des résultats funestes ! Ô chrétiens, avant la lutte il faut vous approcher du Christ, et vous purifier avec l’encens suprême des fèces patriarcales ! » Et les deux rois et les guerriers répondirent : « Tes paroles sont les bienvenues, ô vénérable mère ! »

Or, voici en quoi consistait cet encens suprême des fèces patriarcales.

Lorsque le grand-patriarche des chrétiens de Constantinia faisait ses fèces, les prêtres les recueillaient soigneusement dans des étoffes de soie et les séchaient au soleil ; puis ils en faisaient une pâte qu’ils mêlaient de musc, d’ambre et de benjoin ; et ils pulvérisaient cette pâte, une fois tout à fait sèche, et la mettaient dans des petites boîtes d’or, et l’envoyaient à tous les rois chrétiens et à toutes les églises chrétiennes. Et c’est cette poudre des fèces patriarcales qui servait d’encens suprême pour sanctifier les chrétiens dans toutes les occasions solennelles, et notamment pour bénir les nouveaux mariés et fumiger les nouveau-nés et bénir les prêtres nouveaux. Mais comme les seules fèces du grand-patriarche pouvaient à peine suffire à dix provinces, et ne pouvaient servir à tant d’usages pour tous les pays chrétiens, les prêtres falsifiaient cette poudre en y mélangeant d’autres fèces moins saintes, par exemple les fèces des autres patriarches moin-